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05/12/2010

Témoignage d'un atelier-rencontre

Atelier-rencontre: Naître berger ? Devenir berger ? (12 participants)
 
« Pour être un bon berger, il faut y être né » disait le berger. « Je veux être berger, mais comment ? » s’interroge le jeune. La formation peut-elle apporter une réponse ? A la rencontre d’une bergère, puis d’un berger. Peut-on répondre à cette nécessité de la transmission d’un savoir-faire ancestral ?       
 
Jean-Luc Boucheron est depuis 30 ans formateur de bergers. Il se qualifie lui-même comme berger frustré mais passionnée par la question de la transmission d’un savoir-faire autrefois transmis essentiellement par voie orale. Il guide les participants, andins, africains et européens à l’atelier-rencontre "Naître berger? Devenir Berger?", auprès d’un de ses anciens élèves, Pierre Larraillet, puis auprès d'une femme qui au sein de la profession a su choisir son propre chemin et ouvrir sa porte à de nombreux jeunes en tant que maître de stage, Monique Laheitette. L’appui des anciens pour l’installation des jeunes est fondamental, les « tuteurs » assument bénévolement ce rôle, incarné dans cet atelier par la présence de Jean Esturonne.
 
Pierre Larraillet et son épouse habitent depuis bientôt 3 ans le lieu-dit Faget d’Oloron, dans le piémont pyrénéen. Pendant que son épouse exerce son propre emploi hors de l’exploitation, Pierre élève 185 brebis « vasco-béarnaises ». Chacune produit environ 200 litres de lait durant ses 8 mois annuels de lactation. L’ensemble sera transformé sur place en fromage.
 
Le parcours professionnel de Pierre est atypique : c’est contre l’avis de ses parents, non agriculteurs, qu’au terme d’une formation de tourneur-fraiseur, il se dirige, à 19 ans, vers une formation SIL ovin. Trop jeune pour obtenir une autorisation d’installation immédiatement, il commence sa carrière d’éleveur par la voie d’un contrat d’apprentissage qui combine 2/3 de travail dans la ferme de Monique Laheitette et 1/3 de scolarisation.
Aujourd’hui, sa formation initiale combinée à des aides publiques lui ont permis d’atteindre son objectif. Il est installé dans une exploitation aux infrastructures impressionnantes pour de nombreux participants à l’atelier qui viennent d’autres massifs du monde. Bergerie astucieusement ventilée, machine à traire « faite maison », fromagerie opérationnelle et correspondant à l’ensemble des normes sanitaires permettent au jeune homme de mener à bien sa labeur seul, accompagné deux chiens et un tracteur.
 
Cela n’aurait pas été possible sans les conseils et le réseau de contacts offert par Jean Esturonne, son tuteur. Eleveur  depuis l’âge de 14 ans, à 7 7 ans, après avoir installé ses deux fils également dans la filière de l’élevage ovin, il appuie bénévolement de jeunes éleveurs.
 
Les discussions entre participants, hôtes et animateurs de l’atelier ont très vite porté sur les dimensions techniques et contemporaines de l’élevage. En effet, c’est un important dispositif technique qui doit être maitrisé par l’éleveur afin de pouvoir rendre des comptes aux pourvoyeurs d’aides mais surtout d’associer leurs produits à un territoire spécifique (traçabilité). Concrètement, citons deux exemples de questions soulevées par cet échange :
           - le décryptage des étiquettes accrochées aux oreilles des brebis et différents dispositifs de marquage électronique prochainement introduits ;
-          - la compréhension des subtilités de la Politique Agricole Commune qui conditionne les aides tantôt au nombre de bêtes (aides couplées), tantôt aux surfaces cultivées individuellement ou collectivement (aides découplées), selon que la tendance politique est à favoriser la quantité ou la qualité (alimentaire et paysagère) de la production européenne.
 
La maitrise de ces enjeux et techniques impliquent de la part des jeunes éleveurs un haut niveau de formation leur permettant de maitriser les choix stratégiques à opérer tant en terme d’investissements (telle ou telle technologie), de production (tel ou tel produits ou races), ou de labellisation (appellations d’origine, etc.).
 
Mais ce ne sont pas les seules difficultés que doivent affronter les jeunes. Monique Laheitette, fille d’éleveurs béarnais a choisi il y a une vingtaine d’années de s’installer en tant qu’éleveuse et non pas épouse d’éleveur. Qui plus est elle rompt avec la pratique locale en choisissant d’élever 90 chèvres laitières plutôt que des brebis. Sur ses 10 hectares « plus la montagne », seules 15 chèvres sont de race pyrénéenne, le reste étant de race Alpina originaire de Suisse. Mais Monique innove également dans la commercialisation de ses plus de 2 tonnes de fromage annuels : depuis cette année, en plus de la vente directe dans les marchés elle est fournisseuse d’un réseau AMAP - Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne. « Au début cela n’a pas forcément été facile au sein de la profession » remarque Jean-Luc Boucehron. Mais aujourd’hui Monique sert d’exemple à de nombreux/SES jeunEs intéressés à vivre la montagne comme un métier et une passion à la fois.
 
Le très convivial (et succulent) repas offert par Monique aux participants a permis une présentation approfondie de chacune d’entre eux : maire d’une commune de montagne au Cameroun, étudiante en histoire et militante de la cause Amazigh en Tunisie, dirigeant indigène de la région des Carangas sur l’altiplano bolivien, berger et syndicaliste paysan dans le Gard (France), ancienne agricultrice de proximité de la banlieue de Buenos Aires en Argentine, mais également ingénieur aéronautique habitant et amoureux des Pyrénées, ou thésard-géographe,  tous ces profils ont enrichi la discussion.
 
Thomas Huanacu de Bolivie, par exemple, a par de nombreuses interventions insisté sur la dimension spirituelle mais également politique de l’activité pastorale. « Face aux nouvelles menaces telles que le changement climatique ou les crises alimentaires, les éleveurs de montagne doivent agir avec responsabilité. Les grands élevages destinés à la production carnée industrielle cause de déforestation et d’émissions de CO2, tant au Nord qu’au Sud, représentent une véritable menace pour nos environnements fragiles. Nous avons en Bolivie une relation rituelle avec nos lamas. Nous les nommons père et mère silencieux car même dans les souffrances le plus extrêmes, le froid, la faim, la mise à mort, le lama ne crie pas. Il reste digne, comme nous avons résisté depuis des siècles aux différentes colonisations » a-t-il dit en substance au cours de la journée.

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